La technique ne doit pas être ignorée. Elle influence directement la création en fournissant les outils avec lesquels le concepteur devra jouer. On peut ainsi noter au cours des âges toute une série d’évolutions majeures qui sont la conséquence directe de la découverte de nouvelles techniques ou de l’invention de nouvelles machines et qui ont modifié sensiblement la pratique des scribes, des dessinateurs d’alphabets, des typographes et des graphistes.
Alors que les techniques d’impression ont été révolutionnées au cours des siècles, le dessin de caractères semble s’accrocher à ses fondamentaux. Il faut dire que l’évolution de l’écriture, à laquelle est directement liée la typographie, ne peut être très rapide, et le moindre changement est parfois le résultat de centaines d’années de maturation.
De nos jours, la plus grande partie des impressions est réalisée sur ordinateur et tirée en quadrichromie. L’utilisation de plusieurs couleurs n’augmente pas les couts. Pourtant la typographie repose encore actuellement sur les mêmes possibilités qu’au temps du plomb. L’ère informatique n’a pas épargné la qualité qu’insufflaient les professionnels dans la composition typographique, et à rendu cet art accessible à tous, néophytes comme experts. Ces derniers ont certainement vu dans l’ordinateur plus un fléau qu’une opportunité de se renouveler. En réalité, depuis l’apparition de l’ordinateur, on semble davantage attaché à retrouver la grandeur de l’art typographique tel qu’il se concevait au temps du plomb plutôt qu’intéressé par une exploration des possibilités offertes par cette nouvelle machine.
Il existe malgré tout une avant-garde jouant avec les possibilités offertes par l’ordinateur pour expérimenter une typographie inimaginable avec la composition chaude. Ces créateurs d’une nouvelle génération ont autant à se préoccuper de programmation (c’est-à-dire réussir à parler le même langage que celui de leur machine) que de dessin à proprement parler. Letterror, avec son alphabet Beowolf, cherche ainsi à passer outre les paramètres fixés par des programmeurs non typographes et a intégré l’aléatoire comme élément constitutif de son caractère.
Le studio hollandais peut ainsi prétendre avoir franchi une première marche vers l’indépendance. Il s’est écarté du moule imposé par les logiciels et les décisions que prennent leurs éditeurs, refusant ainsi l’homogénéité régnant sur la création graphique internationale.
L’innovation typographique actuelle, parce que la création et la distribution des caractères s’effectuent exclusivement sur ordinateur, ne peut se faire sans une connaissance approfondie de l’outil avec lequel le dessinateur travaille. Les prochaines pages s’efforceront d’expliquer au mieux la situation actuelle et les diverses possibilités offertes aux créateurs.