Bien que Kandinsky à son époque ne peut s’imaginer une couleur sans forme, les travaux d’artistes contemporains semblent avoir atteint un nouveau degré de perfection colorée. En effet, en abandonnant la palette du peintre, ils sont désormais capables de concevoir des œuvres d’une plus grande ampleur, nous immergeant, comme le souhaitait Rothko quand il réalisait ses toiles, dans la couleur. L’exemple le plus caractéristique est indéniablement celui de James Turrell, véritable virtuose de la lumière. Dans son livre L’homme qui marchait dans la couleur, Georges Didi-Huberman nous plonge dans l’univers de cet artiste hors du commun et conte les particularités de l’œuvre de Turrell.

James Turrell - Ganzfeld

James Turrell - Ganzfeld

La couleur n’est plus un attribut ou un accident mais véritablement un sujet. C’est une couleur monochrome, saturée, éclatante, sans ombre ni nuance, qui devient par le fait sans forme, sans limites. Une couleur qui se présente comme l’objet même. Elle est la lumière qui habite l’espace jusqu’à en devenir le lieu lui-même.

Présentée ici à son apogée, la couleur semble être à son opposé le plus extrême avec la typographie. Elle est une couleur sans forme alors que la typographie semble se concevoir comme une forme sans couleur. Elle est présentée comme un accès direct à l’âme, à la sensibilité de l’individu, tandis que le caractère ne devrait prétendre qu’à être le support de son contenu, c’est-à-dire le texte, qui lui seul véhicule la pensée de son auteur. Mais ce texte est-il véritablement l’unique médiateur à pouvoir prétendre impressionner son lecteur, ou bien la forme et la couleur des lettres qui le composent sont-elles susceptibles de jouer un rôle ?

Par le biais de l’étude de la couleur, plusieurs théoriciens ont montré l’influence que celle-ci exerçait sur la forme. Telle figure nous paraitra plus proche, tel autre plus lointaine ; l’une nous attirera tandis qu’une autre nous repoussera. Toutes ces caractéristiques de la couleur définies jusqu’ici ne sont-elles pas en mesure d’être exploitées afin d’apporter une dimension nouvelle au dessin de caractères ? La couleur n’a-t-elle jamais intégré le monde de l’écriture ? Voilà la question que se propose d’étudier notre prochaine section.

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