Avant d’interroger plus en profondeur les fondements de la typographie, il convient de noter que l’écriture que nous abordons est mécanique, dactylographique, c’est-à-dire informatisée, normée, régulière. Bien que l’ordinateur soit devenu un objet quotidien considérablement répandu, les moyens qui lui sont nécessaires (un ordinateur pour composer, un logiciel pour mettre en page, une imprimante pour éditer) sont encore un peu lourds et la froideur et la neutralité que ce type d’écriture suggère l’exclut presque totalement du cercle privé et le réserve essentiellement à un usage professionnel. Même s’il est vrai que l’apparition et la diffusion de ces machines ont étendu les acteurs potentiels du domaine de la typographie et, par ce fait, entraîné une baisse de la qualité, peu encore sont les personnes écrivant leurs cartes de vacances à l’aide de leur ordinateur ou envoyant des lettres à leur famille en pianotant sur leur clavier (cependant, cette expansion a permis simultanément une libération de cette discipline qui était jadis réservée à une élite, et a ainsi ouvert un champ infini d’expérimentations jusqu’alors peu concevable).
On retrouve donc parallèlement à ces lettres mécaniques, l’écriture manuscrite, plus vivante, qui est encore très largement utilisée dans le cercle privé, notamment car elle a l’avantage d’être unique, personnelle, et offre la possibilité de retrouver en elle son auteur.
Il est évident que l’écriture que nous souhaitons interroger dans ces pages est la première citée. Il est en effet peu envisageable d’écrire à la main un texte où chaque lettre serait constituée de deux couleurs. Au contraire, l’écriture typographique, bien qu’héritée de l’écriture manuscrite, peut se permettre ce genre d’extravagance: l’effort demandé en sera toujours le même, celui de taper sur les lettres de son clavier.