Cette notion d’harmonie colorée semblait trouver un écho dans la musique. En effet, bien qu’agissant différemment, les effets de la couleur ont souvent été comparés à ceux produits par une œuvre musicale ; nombreux sont ceux ayant cherchés à effectuer des rapprochements entre ces deux arts. Cette volonté d’établir un ordre mathématique, parenté au rythme de la musique, a parfois conduit à la rédaction de lois davantage basées sur leur finalité que sur les phénomènes qu’elles souhaitaient expliquer. Newton, au moment de définir le spectre émanant de la diffraction de la lumière blanche, nomment, arbitrairement, sept couleurs, comme sont sept les notes de la gamme. Itten compare son cercle chromatique en douze parties aux douze notes de la gamme du musicien. Suivant les mêmes parallèles, l’histoire a été le témoin de nombreuses inventions farfelues qui tentaient de transposer le principe d’instruments au monde de la couleur.
On ne peut évoquer le rapprochement entre ces deux arts sans parler de l’ouvrage de Kandinsky, du spirituel dans l’Art et dans la peinture en particulier. L’artiste, en même temps qu’il définit les différents effets des couleurs, essaie de rapprocher chacune des nuances aux sonorités d’un ou plusieurs instruments. Le bleu clair sonne comme une flûte, tandis que foncé il rappelle le violoncelle, la contrebasse et l’orgue ; à l’opposé, le jaune, transcrit l’excitation que provoque de la même façon les sons aigus d’une trompette ; le rouge, suivant son inclinaison, fera l’effet d’un tuba, d’un violon, d’un cor anglais ou même d’un basson.
Cependant, aussi poétiques et plaisantes que soient ces similitudes, il ne peut être omis qu’une différence significative existe entre l’optique et l’acoustique. En effet, si l’oreille est capable de reconnaître séparément deux sons émis simultanément, l’œil quant à lui, ne perçoit de deux lumières mélangées qu’une seule couleur, sans qu’il ne soit directement fait référence aux composantes du mélange. De plus, une œuvre musicale s’inscrit dans le temps, au contraire d’une œuvre picturale qui s’exprime davantage spatialement mais dont la globalité peut se saisir quasiment instantanément.
Il est pourtant tout à fait vraisemblable que ces recherches n’ont pas été vaines. Peut-être même constituent-elles été un maillon indispensable permettant à l’atteinte d’un absolu coloré. C’est en tout cas ce que laissent croire les écrits et les intentions des artistes au début du vingtième siècle. La musique a en effet été perçue à cette époque comme l’art absolu, car totalement hors de la figuration ; détachée de la nature, elle était en effet la seule pouvant atteindre efficacement l’âme. En visant le même but, la couleur s’est défaite de la représentation figurative pour parler son propre langage.